La scène artistique française du début du XXème siècle gravite autour de mécènes qui tiennent salon à Paris: compositeurs, peintres, chorégraphes, écrivains, philosophes s’y fréquentent, en particulier chez la « Reine de Paris » Misia Godebska, (épouse Natanson, puis Edwards puis Sert), pianiste et véritable égérie du monde artistique, mécène des ballets russes de Serge Diaghilev par lequel elle rencontre le jeune Stravinsky qu’elle soutiendra activement dès 1910 et jusque dans les années trente.
Cipa Godebski, demi-frère de Misia, tient également avec sa femme Ida un salon artistique où se réunit notamment le groupe des « apaches ». Ils partagent l’amitié de Misia avec les Stravinsky. Avec leurs enfants Jean et Mimi ils constituent une véritable famille d’adoption pour Maurice Ravel qui leur dédiera Ma mère l’Oye. Une abondante correspondance atteste de la présence estivale assidue de Cipa et Ida Godebski à Carantec de 1908 à 1915 puis de 1918 à 1923, mais aussi de leur proximité avec les Stravinsky (source Manuel Cornejo – L’intégrale – correspondance de Maurice Ravel)
C’est sur le conseil de Cipa et Ida Godebski qu’Igor Stravinsky établit ses quartiers d’été familiaux à Carantec lorsqu’il décide de quitter définitivement la Suisse en 1920 pour s’établir en France.
Les Godebski louaient des villas à Carantec, dont la « Villa Bellevue » et la « Villa des Fleurs » et peut-être d’autres. Les correspondances de l’époque ne portaient la plupart du temps pas d’adresse car Carantec était très peu urbanisée hormis le bourg et la grève blanche. Seule la Villa des Fleurs, louée en 1912, a pu être localisée avec certitude.
Les familles Godebski et Stravinsky passèrent donc ensemble l’été 1920 à Carantec, et si Maurice Ravel eût souhaité les rejoindre, il ne le pût car resté au chevet d’un ami mourant; dans un courrier adressé à Ida Godebska, il lui demande de distribuer ses souvenirs affectueux aux Stravinsky.
Près de 20 années plus tard, alors qu’Igor Stravinsky vient de perdre sa femme Catherine (le 2 mars 1939) emportée à son tour par la tuberculose comme sa fille ainée Ludmilla six mois auparavant, Mimi Godebska, qui a elle même vu disparaitre son père Cipa en 1937, lui adresse une émouvante lettre où elle évoque cet heureux été 1920 quand leurs deux jeunes familles étaient réunies à Carantec.